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J’ai soumis mon premier article scientifique à une revue scientifique cette semaine, et alors que je naviguais sur le Web à la recherche d’un modèle de lettre de présentation pour le remettre, je suis tombée sur ce site très intéressant…

L’auteur semble épuisé, et l’on pourrait légitimement se demander pourquoi …aussi n'est-il pas inutile de faire une modeste exégèse.

La lettre de soumission commence ainsi : "Veuillez trouver ci-joint notre dernière version de MS# XX-XXX-XX-, c’est-à-dire la révision re-re-re-révisée de notre rapport. Ainsi soit-il. Nous avons une nouvelle fois réécrit l’ensemble du manuscrit du début à la fin. Nous avons même changé ce foutu en-tête ! Espérons que nous avons assez souffert pour enfin vous satisfaire, vous, ainsi que vos réviseurs assoiffés de sang."

Lorsque votre recherche touche à sa fin et que vous vous décidez à publier votre article scientifique, les difficultés s’acroissent et le processus devient réellement compliqué. En principe – et au-delà du fait que la structure de l'article dépend à la fois du protocole de rédaction de recherche et des prérequis de la revue (limite de pages, limites de figure, style du texte et des références…) –  le processus reste relativement simple: vous soumettez votre travail, vous attendez l’acceptation pour révision (ou un refus net),… vous faites une révision – ou plusieurs – et vous êtes – dans le meilleur des cas – accepté pour publication. Mais ce qui agace notre auteur, c’est bien le processus de révision qui peut prendre un temps fou… il doit être fait, refait et re-refait…

Au bord de la dépression nerveuse, notre auteur poursuit ainsi :

"Je sauterai la description point par point classique de chacun des changements ayant eu lieu en réponse aux critiques énoncés. Après tout, il est bien clair que vos réviseurs sont moins intéressés aux détails de la procédure scientifique qu’au travail de leurs problèmes personnels ou de leurs frustrations sexuelles en cherchant une sorte de joie étrange dans l’exercice sadique et arbitraire d’un pouvoir tyrannique sur de pauvres auteurs tels que nous-mêmes qui se retrouvent entre leurs griffes. Nous comprenons bien que, face aux psychopathes misanthropes que vous avez au sein du comité de rédaction, vous devez continuer de leur envoyer des rapports, car si tant est qu’ils ne révisent pas les manuscrits, ils agresseront les vieilles dames et frapperont à mort les bébés phoques."

Afin de na pas apparaître partiale donnons la voix à la" partie adverse". Richard Horton, éditeur de The Lancet, pourrait apporter quelqu'explication pertinente à cette plainte :

“Les éditeurs et les scientifiques décrivent la révision par des pairs comme un processus quasi-sacré, qui contribue à faire de la science notre conteur de vérité le plus objectif. Mais nous savons que le système de révision par les pairs est biaisé, injuste, irresponsable, incomplet, facilement pris à la légère, souvent insultant, généralement ignorant, parfois irréfléchi et souvent faux.” 

Notre auteur, au bord de l’épuisement, conclut :

"En supposant que vous acceptiez ce rapport, nous aimerions également ajouter une note reconnaissant votre aide dans ce manuscrit et souligner que nous apprécions mieux le rapport de la façon avec laquelle nous l’avions écrit au début, mais que vous aviez mis la pointe du fusil de chasse du comité éditorial sur nos têtes et nous aviez forcés à hacher, mélanger, reformuler, tailler-étirer, raccourcir et en général convertir un rapport en sauté de légumes. Nous n’aurions pu ni voulu le faire sans votre participation."

Et de conclure sur la sage citation du Journal des Jeunes Investisseurs :

"Il est important de garder à l’esprit qu’un rapport accepté dans une révision par les pairs peut encore être mal écrit, mal documenté et carrément faux. Quelques-uns des manuscrits les plus marquants du 20ème siècle n’ont jamais été révisés, y compris le fameux rapport de Watson and Crick de 1951 qui annonçait la découverte de l’ADN. Ceci dit, vous devez toujours savoir comment bien faire des recherches et bien écrire.”