Les stratégies BoP (Bottom of the Pyramid) offrent des opportunités dans les pays émergents mais également dans les pays développés. Souvent mises en œuvre par des multinationales, parfois controversées, elles peuvent se révéler tout aussi performantes pour les entreprises de taille moyenne.

David MENASCE est un spécialiste des questions de social business. Il travaille notamment sur la contribution de l'entreprise à la lutte contre la pauvreté. Responsable du cours « New business models at the base of the pyramid» au sein de la Chaire HEC «Social Business», il est directeur adjoint de la Revue Française de Gestion et diplômé d'HEC et de l'IEP de Paris. Il dirige le cabinet de conseil Azao spécialisé sur les stratégies BoP.

Lors d'une rencontre APM, il nous décrit son approche du phénomène.

Les stratégies du Bas de la Pyramide, quel postulat ?

« Il existe plus de quatre milliards de consommateurs qui vivent avec moins de quelques dollars par jour. Ceux-là doivent trouver des entreprises capables de leur fournir des produits à prix très bas mais dans le cadre d’une relation de marché et non de solidarité. »  CK Prahalad

Prenons l'exemple de l'Inde. Les classes moyennes y représentent un segment de population relativement pauvre avec 50% des ménages gagnant moins de 2,70$ par jour et 90% des ménages gagnant moins de 5$ par jour.  Seule 5% de la population indienne appartiendrait à la classe moyenne selon les critères de l’OCDE (revenus compris entre 10 et 100$ par jour). Le marché en Inde est donc à envisager comme une conquête sociale par un transfert de compétences donnant la possibilité à la population d’avoir accès à un métier et d'acquérir un esprit d’entreprise.

Quelles sont les initiatives ?

Danone Communities

Présent en Afrique, en Inde, au Bangladesh et au Cambodge, Danone Communities finance des projets de social business adressant principalement des problématiques de malnutrition. L’accompagnement financier mais également technique s’illustre par des initiatives telles que Naandi Community Water Services, offrant l’accès à l’eau potable à faible coût.  

M Pesa

M-Pesa, utilisant l’infrastructure de l'opérateur kényan Safaricom, est un service de transfert d'argent par téléphonie mobile. L'utilisateur a la possibilité, par une solution de prépaiement de déposer ou transférer de l'argent. Désormais affiliée à Kenya Telkom et Vodafone, M-Pesa a été initialement développé par Sagentia avant de passer à IBM.

Ces initiatives reposent sur le concept dInnovation Frugale où s'opère une rupture des processus d'ingéniérie complexes pour construire un produit ou service de manière plus économique. On redécouvre ainsi l’innovation, on la redéfinit et la façonne au service du «good-enough product». Elle devient un enjeu majeur dans un environnement global et compétitif à l'instar de la success-story africaine : Celtel, fondée en 1998, opérant en Zambie, Sierra Leone, Congo, Malawi, Gabon, RDC, Tchad, Burkina Faso, Niger, Ouganda, Tanzanie, Soudan et Kenya…, et racheté par Zain pour 3,4 milliards de dollars en 2005 (lui-même racheté par Bharti Airtel en 2010).

 « J’ai le plus grand respect pour mes concurrents traditionnels mais nous savons comment les concurrencer. Ils ne pourront jamais détruire General Electric. Ce n’est pas le cas des entreprises émergentes aujourd’hui qui pourraient complètement modifier le marché dans les pays développés. L’innovation au bas de la pyramide n’est pas une option, c’est une obligation. » Jeff Immelt, CEO de General Electric